Mauvais Monstre, tome 3

Cédric

il y a 2 mois

Attention, la présente chronique dévoile des éléments narratifs importants des deux premiers tomes de Mauvais Monstre.

Éloïse et son mauvais monstre, Charles-Machin, sont de retour. L’ado la moins souriante du neuvième art n’est pas au bout de ses (mauvaises) surprises dans un troisième tome tonitruant. Enzo Berkati, jeune auteur qui ne cesse d’étonner par son aisance, signe l’une des séries jeunesse les plus drôles et attachantes du moment.

Après avoir trouvé la combine de déguiser son mauvais monstre à l’aide d’une peluche, Éloïse espère bien passer inaperçue et berner famille, amis et surtout les agents de police à ses trousses. Mais la visite scolaire d’un château va bouleverser ses convictions, ses espoirs et ses plans. Sans parler de Baxter qui veut la persuader d’infiltrer le Centre où sont enfermés les possesseurs de mauvais monstres.

Bad is good

Ce qui est saute aux yeux à la lecture de ce troisième tome, c’est le pied qu’a dû prendre Enzo Berkati à sa réalisation. Et le moins que l’on puisse dire c’est que son plaisir n’aura aucun mal à contaminer le lecteur. Encore plus que les deux premiers épisodes, le récit enchaîne les gags et les péripéties, multipliant les punchlines et les rebondissements. Ça va vite, très vite, au pays d’Éloïse et on imagine facilement l’auteur se marrer à autant malmener son héroïne. Il faut dire que ce troisième tome ne lésine pas sur les mésaventures et les dangers qui entourent la jeune fille.

Si elle semble s’être débarrassée des deux collants agents de police qui la pistaient dans les deux premiers épisodes, Éloïse va devoir maintenant cacher la nature de son mauvais monstre à ses parents et à ses camarades de classe. On pourrait croire que cette aventure de visite scolaire qui tourne mal, sans police ni avancée dans les informations liées au Centre d’enfermement, soit un inutile détour pour rallonger la série, mais il n’en est rien. Au contraire, cet épisode amène deux évolutions majeures et indispensables chez l’adolescente pour construire logiquement une suite d’aventures qui s’annonce plus sombre.

Monstres & Cie

Malgré une trame générale assez classique, le scénario d’Enzo Berkati parvient régulièrement à surprendre son lecteur en sortant des sentiers battus, notamment grâce à des personnages attachants et drôles. Éloïse, bien que taciturne et un poil colérique, est la protagoniste parfaite pour un récit qui multiplie les tuiles qui lui tombent dessus. Avec son sarcastique monstre de compagnie, au nom très drôle de Charles-Machin, elle forme un duo électrique. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, traités de façon presque caricaturale pour assurer leurs rôles à fond : le prof laxiste et fainéant, la fille populaire moins pimbêche qu’il n’y parait, ou encore le vigile à la limite d’un croisement entre un paramilitaire et James Bond.

Si le scénario de ce troisième tome est vraiment efficace, le dessin d’Enzo Berkati n’a rien à lui envier. Avec leurs personnages parfaitement caractérisés et hyper expressifs, et ses décors riches, les planches de l’album sont un régal pour les yeux. La mise en scène dynamique de l’illustrateur accentue encore le rythme endiablé du récit et les 80 pages défilent à la vitesse d’un Charles-Machin en plein vol. Et, bien sûr, comment ne pas évoquer les petits monstres, tantôt bizarroïdes, tantôt choupinous, tantôt bien repoussants, mais toujours d’une grande inventivité de la part d’Enzo Berkati. Après Lisa Guisquier sur les deux premiers tomes, les couleurs sont ici assurées par Laura Hommay puis Christo, ce dernier ayant déjà officié sur les séries parodiques Dragon Boule et Star Naze, dans la même veine pop et ultra saturée. Une ambiance qui colle parfaitement à l’univers de Mauvais Monstre.

Pour sa première série, le jeune Enzo Berkati montre une maestria impressionnante aussi bien dans sa construction narrative, son sens du rythme et l’efficacité de sa mise en scène. Dans ce troisième tome, le tempo ne ralentit pas, sans pour autant sacrifier la trame principale de l’intrigue. Mauvais Monstre est une parfaite rencontre entre comédie fantastique et récit initiatique dans lequel la protagoniste grandit à chaque péripétie. Le scénario semble partir vers une suite plus sombre, ou du moins encore plus dangereuse pour le duo improbable mais attachant Éloïse et Charles-Machin. A noter la fabuleuse illustration de deuxième de couverture, vraiment décalée, qui met enfin un sourire sur le visage d’Éloïse, un sourire presque carnassier et effrayant…

Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard