L’hacienda aux papillons tome 1 : L’Exode

Cédric

il y a 3 mois

Après la Balade de Yaya, Lulu et Nelson et, plus récemment, l’Île Crocodile*, les scénaristes Charlotte Girard et Jean-Marie Omont sont de retour avec une nouvelle série, l’Hacienda aux Papillons. Direction le Mexique pour ce qui s’annonce comme un thriller survivaliste destiné à un public pré-adolescent et jeune adulte.

En 2043 l’eau est devenue un trésor, enjeu de tensions aussi bien locales que mondiales. En France, la population tente de vivre un quotidien de plus en plus compliqué par les mesures gouvernementales restrictives. C’est dans cet environnement que Lupita, dit Lupi, passe avec un succès un concours de danse classique lui valant d’être admise au prestigieux opéra de Paris. Hélas pour elle, le même jour, sa mère décide de quitter la France avec sa fille et Frida, sa compagne enceinte, la situation dans la capitale se dégradant. Le trio fuit vers le Mexique, pays d’origine du défunt père de Lupi et de la compagne de la mère de celle-ci. Mais la maman est refoulée, faute de passeport mexicain, la jeune fille et sa belle-mère se retrouvent alors seules au Mexique et se rendent dans l’hacienda abandonnée ayant appartenu au père de Lupi.

L’hacienda aux papillons : La maison merveilleuse

La première case pose le contexte : Paris, octobre 2043, sous le Pont Saint-Michel, la Seine est asséchée, les couleurs sont jaunes jusqu’au ciel qui entoure Notre Dame, insistant bien sur la chaleur ambiante. Une case horizontale pas très haute mais magnifique. Nous rencontrons ensuite Lupita, toute de bleue vêtue, comme pour conjurer le sort, une jeune fille qui va être au centre d’une scène de danse magnifique et aérienne.

Beauté et légèreté sont les deux qualificatifs qui sautent aux yeux tout au long des soixante-six planches de ce premier tome. Pour sa première bande-dessinée, Clémence Collignon, animatrice 2D diplômée des Gobelins, montre une aisance et une maturité étonnantes, aussi bien dans la mise en scène que dans le dessin pur. Avec ses personnages charismatiques et très expressifs et ses décors somptueux, la jeune illustratrice propose des planches d’une très grande efficacité, collant parfaitement au ton du récit.

L’hacienda qui donne le titre à la série devient, sous les pinceaux de Clémence Collignon, le parfait théâtre de la nouvelle vie des protagonistes, avec des détails précis et des ambiances pleines de mystères, notamment via les nombreux oiseaux et, bien sûr, papillons, que va croiser Lupi. Le travail des couleurs, assuré par la dessinatrice, est également une jolie réussite même si certaines cases paraissent un peu artificielles et perdent du côté naturel que la dessinatrice semble maîtriser la plupart du temps.

Girl vs Wild

Continuant leur exploration des errances des adolescents, aussi bien géographiques que personnelles, développées dans leurs œuvres précédentes, le duo Charlotte Girard et Jean-Marie Omont, proposent un récit assez classique pour un premier tome mais qui sème petit à petit des sous-intrigues qui promettent une suite gagnant en intensité.

La mère de Lupi parviendra-t’elle à rejoindre le Mexique, qu’est-il réellement arrivé au père de la jeune fille, que veulent les deux truands qui tournent autour de Lupi et de l’hacienda et, surtout, qui est ce mystérieux garçon dont les papillons ont envahi la demeure ? Afin de distiller ces questions dans le cerveau du lecteur, les scénaristes s’appuient sur des personnages attachants mais jamais idéalisés.

Colère et grande naïveté pour Lupi, impatience et tempérament de feu chez Frida, on se plaît à suivre le parcours de ces deux protagonistes et l’évolution de leur relation. Ici aussi, rien de révolutionnaire, mais l’écriture est limpide et efficace.

Anticipation écologique, histoire d’une fuite survivaliste et désespérée, récit initiatique rempli de mystères et de poésie, l’Hacienda aux Papillons est un prometteur premier tome au graphisme somptueux, à l’image de sa superbe couverture. Malgré une intrigue aux enjeux relativement classiques, le duo de scénaristes enrichit petit à petit leur narration de petites chrysalides prêtes à s’ouvrir dans les prochains épisodes, promesses de moments plus sombres pour Lupi.

Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard

* La Balade de Yaya : 9 tomes entre 2011 et 2015, Éditions Fei, Charlotte Girard ayant participé au dernier tome uniquement). Lulu et Nelson : 3 tomes entre 2019 et 2022, Soleil. L’Île Crocodile : premier tome sorti en 2025 chez Oxymore.

Informations sur l’album :