LawMen of the West

Cédric

il y a 10 mois

Après Go West Young Man, Indians et Gunmen of the West, Tiburce Oger continue son exploration thématique des mythes du western avec LawMen of the West, nouveau recueil centré sur les hommes de loi célèbres ou méconnus. S’entourant, une fois encore, d’une fine équipe de quatorze francs-tireurs de la bande dessinée, le scénariste, qui n’illustre aucun des récits de l’album, renoue avec ce qui a fait le succès de sa série : des récits courts chronologiques, efficaces et tragiques, liés par un fil rouge plus léger.

1925, dans le désert de l’Utah, deux bandits abattent un motard isolé pour le détrousser. Parmi ses affaires, ils trouvent un carnet manuscrit, « la Loi dans l’Ouest Sauvage, chroniques et héros », signé Isaac Stein. Le plus jeune des deux tueurs commence alors la lecture des récits du défunt, histoires vraies d’hommes et femmes de justice. Shérifs, marshalls, juges, bourreaux et bien d’autres destins sont l’objet de commentaires acerbes ou nostalgiques des deux truands.

Il était quatorze fois dans l’Ouest… et l’Est

Si Indians et Gunmen of the West souffraient de certains récits un peu en-dessous des autres, ce quatrième tome retrouve la régularité qualitative du premier, Go West Young Man. En variant les ambiances, les décors, les tons et les caractères de ses protagonistes, Tiburce Oger parvient à ne jamais ennuyer son lecteur en lui proposant des histoires différentes et originales. Figure dans LawMen of the West tout ce qui fait le sel du western, mais pas seulement.

En effet, à côté des traditionnels duels, raids indiens, charges de cavalerie, on trouve des personnalités moins connues comme les Minute Men, ces hommes qui devaient être prêts à se battre en quelques secondes face aux attaques indiennes, une femme espionne usant de ses charmes pour obtenir des informations capitales, ou encore un juge ayant condamné de nombreux bandits à la pendaison mais, en son for intérieur, opposé à la peine capitale… Ces récits se basant sur des personnages réels, l’impact émotionnel et la puissance narrative n’en sont que plus forts.

Un siècle de feu, de sang, de larmes et de sueur

En situant ses histoires entre 1813 et 1925, avec dans beaucoup d’entre elles des flash-backs historiques ou narratifs, Tiburce Oger diversifie également les enjeux et les contextes de ses récits. Résister aux indiens dans la campagne profonde des colonies toutes récentes, déjouer un attentat contre le Président, la chasse aux déserteurs de la Guerre de Sécession, ou encore la nostalgie d’un temps révolu, sont quelques exemples des thèmes abordés par le scénariste.

Cette diversité, ainsi que le talent de Tiburce Oger pour construire des personnages forts en seulement quelques cases, font de LawMen of the West un catalogue passionnant de la loi sous toutes ses formes dans les États-Unis des XIXe et début XXe siècles, dans l’Ouest sauvage mais aussi dans l’Est plus industrialisé. En effet, les récits de l’album ne se cantonnent pas aux habituels Texas, Arizona, Montana ou Colorado mais prennent place également en Illinois, à New York ou encore en Géorgie, tout en suivant un fil rouge textuel très intéressant, peut-être même le meilleur de la saga : les réflexions et commentaires de deux bandits de générations différentes, et donc de points de vue parfois très divergents.

Les desperados du neuvième art

Comme le veut le concept de la saga, chaque dessinateur amène son style, son ambiance. L’ensemble est cependant plus homogène que les précédents épisodes, les illustrateurs de ce quatrième tome ayant un trait assez classique et réaliste. Seul le récit mis en images par Dominique Bertail se démarque réellement par un graphisme tranché, notamment dans sa colorisation toute en sépia, proche notamment de son western MondoReverso. Homogénéité ne rime toutefois pas avec ennui.

En effet, chaque histoire est une grande réussite visuelle, le talent de chaque artiste dans le western ou l’action n’étant plus à prouver : Paul Gastine (Jusqu’au Dernier), Laurent Astier (la Venin), Dimitri Armand (Texas Jack), Chris Regnault (la Véritable histoire du Far West : Jesse James), Corentin Rouge (Comanche) ou bien sûr Ralph Meyer (Undertaker). Ce dernier propose une illustration de toute beauté, en pleine page, qui saisit un instantané à la mise scène simple mais évocatrice, et vient clore le carnet d’Isaac Stein. C’est un réel plaisir de retrouver les styles graphiques de ces auteurs qui nous avaient régalé dans leurs propres séries et reviennent au western, ou s’y essaient, comme Laurent Hirn, Ronan Toulhoat, ou Richard Guérineau qui montrent une sacrée aisance dans ce genre si particulier.

Avec quatorze illustrateurs pour treize récits, encadrés par les introduction et conclusion de Paul Gastine autour des deux bandits, LawMen of the West est peut-être le meilleur album de la saga de Tiburce Oger. Un ensemble graphique homogène, mais d’une grande richesse, au service d’histoires, courtes mais diversifiées et toutes diablement efficaces, qui raviront les amateurs de western. Un cinquième volume est déjà annoncé, centré sur les femmes de l’ouest, et faisant la part belle aux illustratrices.

Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard

Informations sur l’album :

Scénario : Tiburce Oger, avec la participation d’Hervé Richez
Dessin : Dimitri Armand, Laurent Astier, Dominique Bertail, Xavier Besse, Paul Gastine, Richard Guérineau, Laurent Hirn, Jef, Ralph Meyer, Mario Milano, Alain Mounier, Chris Regnault, Corentin Rouge, Ronan Toulhoat
Couleurs : Dimitri Armand, Laurent Astier, Raphaël Bauduin, Dominique Bertail, Xavier Besse, Anaïs Blanchard, Paul Gastine, Richard Guérineau, Laurent Hirn, Jef, Jack Manini, Ralph Meyer, Chris Regnault, Corentin Rouge
Éditeur : Delcourt
Date de sortie : Le 30 octobre 2024
Pagination : 204 pages en couleurs

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