Publié initialement chez Delcourt en 1996, Chiens de Prairie fait son retour en 2025 aux éditions Anspach, dont l’un des leitmotivs éditoriaux est de ressortir des titres épuisés, parfois oubliés. Western signé par un duo de Philippe, Berthet et Foerster, les amateurs de ce genre très en vogue ces dernières années pourront enfin découvrir, ou redécouvrir, ce one shot puissant.
© Chiens de Prairie – Foerster / Berthet / David – Anspach, 2025
Quand le truand JD Bone, en fuite après le braquage pas vraiment fameux d’une banque, croise la route de son amie Calamity Jane, il est loin de se douter que cet événement anodin va bouleverser la mission qu’il s’était donnée : mener le cadavre de son compagnon d’armes à son ancien village afin de l’y enterrer auprès de sa bien-aimée. En effet, la femme la plus célèbre de l’ouest convoie des orphelins vers une vie qu’elle espère meilleure mais, après une nuit un peu trop alcoolisée, elle oublie un jeune garçon qui ne cessera de suivre JD Bone. Tout au long de leur parcours, ils seront poursuivis par des chasseurs de primes menés par les redoutables jumeaux Wallace.
© Chiens de Prairie – Foerster / Berthet / David – Anspach, 2025
Le bon, le mort et le truand
Bien que Philippe Foerster convoque dans son récit de grandes figures de l’Ouest américain, comme Calamity Jane ou Wild Bill Hickok, tous deux habitués du western dans le neuvième art, elles sont cantonnées ici à de simples apparitions. Même si la première fait office de narratrice, elle n’est que rapporteuse de l’aventure que mèneront des personnages fictifs. C’est la première surprise de l’album qui commence par présenter Calamity avant de passer le flambeau à un duo improbable : le brigand sur le retour JD Bone et le jeune orphelin sourd-muet, Moïse.
© Chiens de Prairie – Foerster / Berthet / David – Anspach, 2025
Reposant sur le concept éculé de protagonistes que tout oppose et devant collaborer pour survivre, le scénario parvient à tirer son épingle du jeu en ne faisant pas de son duo des personnages lisses et parfaits. Si ce rôle plus ou moins méchant semble totalement logique pour un braqueur de banque meurtrier, le jeune garçon n’est pas non plus le modèle de naïveté et de bienveillance qui mènera son malhonnête compagnon sur le chemin de la rédemption. JD Bone grandit toutefois en côtoyant le silencieux et résilient Moïse qui le poussera à poursuivre sa mission malgré les nombreuses embûches.
© Chiens de Prairie – Foerster / Berthet / David – Anspach, 2025
Pour faire un bon récit, il faut de bons antagonistes. Et le moins que l’on puisse dire c’est que les jumeaux Wallace, le terrifiant Solomon et sa sœur intrigante, Moïra, en sont de parfaits représentants. Bien que silencieuse et passive la majeure partie du récit, Moïra semble tout au long des pages cacher un lourd secret et une immense culpabilité envers son frère à qui elle paraît totalement soumise. Celui-ci, adepte de la propagation de la parole divine à grands coups de revolvers, se parant d’un collier composé des oreilles de ses « victimes », est l’archétype du chasseur de primes impitoyable et cachant derrière sa morale chrétienne une malfaisance bien pire que celle de la plupart de ses proies.
© Chiens de Prairie – Foerster / Berthet / David – Anspach, 2025
Il était encore une fois dans l’Ouest
Aux côtés des rôles principaux, on trouve dans Chiens de Prairie toute une galerie de personnages secondaires assez typiques du western : chasseurs de primes véreux, tenancier d’un saloon qui accueille des joueurs de poker prêts à dégainer, soûlards divers et variés, indiens sur le sentier de la guerre, prêtre fanatique… Mais au lieu de parasiter l’intrigue, ces archétypes, simplement évoqués, sans véritable rôle dans l’histoire, plongent le lecteur en terrain connu, presque rassurant malgré le contexte sombre et oppressant du récit. Il faut dire que, en dehors d’un final choquant, le scénario n’est que peu surprenant, sans que cela ne gâche son indéniable efficacité. Impossible de lâcher cette histoire avant d’en connaître son dénouement et le sort qu’il réserve aux protagonistes.
© Chiens de Prairie – Foerster / Berthet / David – Anspach, 2025
Cet intérêt du lecteur envers les personnages de Chiens de Prairie doit également beaucoup au dessin de Philippe Berthet, responsable dernièrement de la Fortune des Winclaw, dans l’univers de Largo Winch. Si sa bibliographie ne compte pas beaucoup de westerns, il montre une grande aisance en maîtrisant tous les codes du genre, des bonnes tronches cassées aux décors majestueux, en passant par des chevaux vraiment bien rendus.
© Chiens de Prairie – Foerster / Berthet / David – Anspach, 2025
Même si la couverture du présent one shot est moins poétique et évocatrice que celle de l’édition Delcourt, elle n’en reste pas moins très puissante, à l’image de tout l’album. La mise en scène se montre très cinématographique, rendant un bel hommage aux grands films de l’âge d’or du western hollywoodien. Dominique David, compagne et collaboratrice régulière de Philippe Berthet, crée des ambiances très fortes tout au long de l’album, grâce à des couleurs chaudes et ternes. Elle alterne avec brio tons réalistes, lors des passages calme, et criards, lorsqu’ils évoquent avec puissance toute la folie de certaines scènes.
© Chiens de Prairie – Foerster / Berthet / David – Anspach, 2025
En utilisant les lettres de Calamity Jane à sa fille pour raconter ce tragique et dangereux périple, le scénariste Philippe Foerster parvient à insuffler à son récit un surplus d’humanité, mais aussi de gouaille, à son implacable récit. Assez classique dans son thème et son déroulement, Chiens de Prairie n’en reste pas moins un one shot captivant de la première page jusqu’à son final en apothéose réellement surprenante. On ne peut que remercier les éditions Anspach d’offrir une seconde vie à ce titre visuellement superbe, y ajoutant même, en fin d’album un dossier passionnant.
Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard
Informations sur l’album :
- Scénario : Philippe Foerster
- Dessin : Philippe Berthet
- Couleurs : Dominique David
- Éditeur : Anspach
- Date de sortie : Le 23 mai 2025
- Pagination : 64 pages en couleurs
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