Notre feuilleton de l’été sur les métiers de la BD nous a donnés envie de poursuivre avec quelques interviews afin de prolonger un peu le plaisir de rencontrer des gens passionnants et passionnés. Artiste-peintre, Sébastien Bouët s’est spécialisé en tant que coloriste de bande dessinée depuis 2003. Il a accepté notre demande d’interview pour nous parler de son métier.
©Babelio
Les AmBD : Comment êtes-vous devenu coloriste ? Étiez-vous dessinateur d’abord ou vous êtes-vous formé directement en tant que coloriste ?
Sébastien Bouët : Je suis avant tout peintre en fresque murale. Quand j’étais étudiant en Arts Appliqués, je cherchais un petit boulot et un coloriste de bande dessinée m’a demandé si je pouvais préparer ses planches sur Photoshop. A l’époque, j’étais le seul de ma classe à avoir un ordinateur et à m’être formé à ce logiciel. Une fois que j’ai mis un pied dans la sphère BD, j’ai été repéré. J’ai colorisé depuis une centaine de BD !
Les AmBD : Comment travaillez-vous ? A la main ou en numérique ? Que pensez-vous de l’utilisation de la tablette graphique ?
Sébastien Bouët : A la main et en numérique : les deux en même temps. Même quand on travaille sur une tablette graphique, la gestuelle est la même qu’à la main, seul le support change. On retrouve sur tablette beaucoup de techniques de dessins et de peintures.
© Bamboo Édition – La faute au midi – Le Naour, Dan, Bouët- 2014
Les AmBD : Quand vous réalisez un album, pensez-vous la couleur dans sa globalité ou au fur et mesure ?
Sébastien Bouët : J’ai une idée de l’ambiance générale de la photographie de l’album. En fonction des scènes, la couleur va donner une température différente. Par exemple, la rencontre de deux personnages de nuit peut se passer de manière très calme si la nuit est bleu-ciel, de façon inquiétante si la nuit est noire voire grise ou alors menaçante si la nuit est rouge. En partant du même dessin, je peux donner trois atmosphères complètement différentes à une scène. La couleur sert le scénario. J’aime bien comparer le cinéma et la BD car je trouve que ce sont deux médias assez proches. Dans une bande dessinée, la couleur serait l’équivalent de la musique pour un film. Je vous laisse imaginer Star Wars sans musique : je pense que Dark Vador serait beaucoup moins impressionnant !
Les AmBD: Comment se passe le travail en équipe avec le scénariste et le dessinateur ?
Sébastien Bouët : Nous avons souvent une réunion de travail au début du projet mais je fais mon travail très souvent sans indication complémentaire. Je me laisse happer par l’histoire et je laisse libre court à mon interprétation. La plupart du temps, je vise juste et mon travail convient aux autres auteurs. Bien sûr, je dois parfois faire des retouches parce que j’ai laissé échapper quelques détails. Mais comme les maisons d’édition me rappellent, je me dis que mon travail doit satisfaire.
©Bamboo/Grand Angle – La chandelle du bon Roy Henri – Philippe Charlot et Eric Hübsch – 2025
Les AmBD : Avez-vous le sentiment que le regard sur le métier de coloriste a évolué et qu’il est-davantage mis en avant aujourd’hui ?
Sébastien Bouët : Oui, vraiment. Je pense que c’est grâce à l’émergence de l’informatique.
La couleur a toujours été importante dans la BD, regardez par exemple le travail de Moebius ou Loisel (pour ne citer qu’eux deux) qui travaillaient l’aquarelle. Une vraie ambiance émane de leurs albums. Prenons Moebius par exemple : ses dessins étaient très différents quand il signait Moebius ou Jean-Michel Charlier, mais ses choix de couleur aussi aidait le lecteur à se propulser dans deux mondes complètement différents ! Ce que les cônes de notre œil captent en tout premier, c’est la couleur, c’est physique !
La colorisation demande beaucoup de matériel ce qui implique un investissement financier conséquent. Je pense que l’arrivée de l’informatique a aidé à démocratiser le métier. Il suffit maintenant d’un ordinateur, de Photoshop (voire même d’autres logiciels libres de droits) et d’une tablette graphique.
©Rue de Sèvres – La brigade Verhoeven T3 : Alex – Bertho, Corboz, Bouët – 2021
Les AmBD : Pour terminer, est-ce que vous pourriez nous parler de vos projets en cours ?
Sébastien Bouët : Volontiers ! Je travaille actuellement sur le tome 4 de La Brigade Verhoeven de Pascal Bertho et Yannick Corboz aux éditions Rue de Sèvres. Je suis en train de le terminer. Il devrait sortir en septembre 2025. Pour l’anecdote, Yannick Corboz est dessinateur mais aussi un très grand coloriste. Il a fait le choix, sur cet album, de laisser la colorisation à quelqu’un d’autre afin de donner une autre ambiance à son dessin. On s’est vraiment fait plaisir tous les deux !
Propos recueillis par : Emmanuelle DESSEIGNE