Certains climats, certaines ambiances et certaines époques sont propices à titiller l’imagination des auteurs, quelle que soit leur mode d’expression. Le Cuba de la fin des années 50 en fait partie, avec son exotisme, son soleil, ses casinos, sa fausse douceur dissimulant mafieux, dictateurs et révolutionnaires eux-mêmes futurs tyrans. C’est dans cette ambiance que s’ancre le premier tome de la nouvelle série Havana Split.
©Dupuis – Havana Split tome 1 : Bienvenue à Cuba – Brrémaud et Vic Macioci
En 1958, Cuba est supposée être un paradis ensoleillé où les plus aisés viennent se ressourcer dans de superbes palaces bien fréquentés. Mais l’île n’est qu’un Eden de façade pour les riches touristes étrangers car quotidiennement, les cubains vivent sous le joug de Batista, dictateur de poche des voisins américains, qui font de ce territoire une chasse gardée. Cuba, Lily la connaît très peu. Étudiante à Miami, elle vient voir Valdès, son père, pour les vacances. Celui-ci est un minable détective privé d’une agence dans laquelle il travaille avec John, ancien de la CIA, et José. Mais quand l’imprudent Valdès, dépendant aux jeux et particulièrement aux paris sportifs, se fait enlever par le perfide Alfonso, Lily va se trouver embarquée dans une sombre et délirante histoire. Tandis que la révolution de Castro prend son essor, accompagnée de José et John, elle va devoir prendre tous les risques pour libérer son père.
©Dupuis – Havana Split tome 1 : Bienvenue à Cuba – Brrémaud et Vic Macioci
Daïquiri vitaminé
Un enlèvement, des détectives miteux, des paris hasardeux, la CIA, un personnage jeune et (presque) innocent perdu dans un paysage complètement fou sans oublier, évidemment, une femme fatale, tel est le décor du premier tome d’Havana Split. Loin des classiques du genre, tels les écrits d’Hemingway, le Havana de Sydney Pollack ou le Perico de Berthet et Hautière, Bienvenue à Cuba oublie tout suspense dramatique et autres marques d’émotion pour aller dans l’action totale et l’ironie mordante. À l’image des récents succès Il faut flinguer Ramirez ou Tyler Cross, le scénario de Brrémaud privilégie le rythme et le mouvement en plaçant le lecteur du côté des « méchants », ou du moins de ceux qui ne sont pas forcément là pour respecter l’ordre en place, étant donné que les « gentils » n’existent pas vraiment. L’histoire n’hésite pas à remodeler les éléments de l’intrigue plutôt classiques sans rechigner à entrer dans la fantaisie la plus pure d’une façon parfois déroutante, la faisant parfois aller jusqu’aux limites du burlesque. Si cette volonté de raconter est rafraîchissante et permet d’éviter une impression de déjà vu, elle peut, sur la durée, fatiguer le lecteur qui pourra se lasser de ce deuxième, voire troisième degré un peu trop présent. On notera toutefois une mise en page résolument inventive et bien vue, faisant alterner les pages « classiques » avec des doubles pages très créatives, rendant l’ouvrage plus lisible, permettant au lecteur de respirer un peu dans un ensemble au rythme et à l’atmosphère parfois un tantinet surfait.
©Dupuis – Havana Split tome 1 : Bienvenue à Cuba – Brrémaud et Vic Macioci
Une ambiance rhum ambré
L’histoire survoltée de Bienvenue à Cuba est servie par un dessin du même acabit. La performance de Vic Macioci est en effet totalement adaptée à un scénario fondé sur la vitesse et un certain surréalisme. Le trait de l’italienne, à la fois anguleux, « cubiste » et peu détaillé donne une impression d’urgence et de loufoque à ce premier tome de Havana Split. Les personnages, parfois caricaturaux au point d’être irréels, sont ainsi baladés de cases en cases à la vitesse de la lumière et sans aucun ménagement. Le dessin accentue souvent l’action, notamment en exagérant certaines perspectives – pour montrer la domination d’un personnage sur un autre ou bien encore pour montrer leur hâte dans les courses poursuites – ou bien en soulignant fortement leurs traits pour afficher leur rôle. Ainsi, les riches cyniques ont un visage osseux et incroyablement long quand les courageux « bons » ont la carrure de malabars de salle de sport gonflés à l’hélium. A l’image du scénario, ce style fantaisiste peut attirer autant qu’il peut lasser tout au long de la lecture. En revanche, les couleurs de Maggie, légèrement brunes, ambrées, peu agressives et pleinement lisibles conviennent parfaitement à une histoire et une ambiance de BD historique se déroulant au pays du cigare et du Havana Club.
©Dupuis – Havana Split tome 1 : Bienvenue à Cuba – Brrémaud et Vic Macioci
Bienvenue à Cuba propose donc au lecteur un voyage déroutant dans l’île d’Amérique latine à un moment clé de son histoire. Le scénario délirant tout comme le dessin inclassable pourront attirer le lecteur autant que le rendre circonspect. Au moins, ce premier tome de la nouvelle série Havana Split apporte un contenu original qui ne laisse pas indifférent.
Une chronique écrite par : Mathieu Depit
©Dupuis – Havana Split tome 1 : Bienvenue à Cuba – Brrémaud et Vic Macioci
Informations sur l’album :
- Scénariste : Frédéric Brrémaud
- Dessinatrice : Vic Macioci
- Coloriste : Maggie
- Editeur : Dupuis
- Date de parution : Le 17 janvier 2025
- Pagination : 96 pages en couleurs
©Dupuis – Havana Split tome 1 : Bienvenue à Cuba – Brrémaud et Vic Macioci