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Interview de Gaëlle Geniller

C’est pendant le festival d’Angoulême 2025 que nous avons rencontré Gaëlle Geniller. Son album Minuit passé était notre album coup de cœur mensuel pendant le festival et c’est naturellement que nous avons sollicité une interview. Que l’autrice a très gentiment acceptée, malgré le succès fou qu’elle a rencontré durant le festival, avec des séances de dédicaces pleines à craquer !

Gaëlle Geniller durant l’interview. © Les Amis de la BD

Les Amis de la bande dessinée : Bonjour Gaëlle ! Pour commencer, pourrais-tu nous dire quelles sont tes inspirations ?

(Les Amis de la BD s’excusent auprès de Gaëlle Geniller et vous lecteurs, car nous n’avons pas les premières minutes de l’interview, suite à un problème avec notre enregistreur)

Gaëlle Geniller : D’abord il y a Patrick Sobral avec Les Légendaires. Par la suite, j’ai découvert les jeux Zelda qui m’ont matrixé et Professeur Layton. C’était vraiment un mix d’univers très différents, qui a fait que je me focalisais beaucoup plus sur les personnages et leurs rapports entre eux plutôt que sur leur univers. Tous les univers peuvent me parler à partir du moment où il y a des interactions fortes entre les personnages et que leurs liens sont crédibles. Je suis beaucoup plus attachée aux personnages qu’à l’univers qui les entoure.

©Delcourt/Mirages – Minuit passé – Gaëlle Geniller

Les AmBD : Pour en venir à Minuit Passé, parce que c’était notre coup de cœur de janvier 2025. Par rapport à ce que tu nous as dit juste avant, comment as-tu écrit tes personnages, notamment Guerlain ?

Gaëlle Geniller : Il est arrivé bien avant l’histoire de Minuit Passé, il y a peut-être six ou sept ans de ça. Au début, je l’ai vraiment dessiné par pur souci d’esthétisme. J’aime bien cette idéalisation qu’on a des personnages de Maupassant et d’Edgard Alan Poe, du dandy qui se prélasse dans son manoir, en se questionnant sur la vie avec son verre d’absinthe. Puis toujours par pur esthétisme, je lui ai donné trois corneilles.

Avec lui, j’ai appris à savoir ce que j’aimais dessiner, à savoir les vêtements, les atmosphères très douces, les interactions très cosy entre les personnages et j’ai fini par beaucoup m’attacher à lui. Je me suis dit que j’avais envie de lui donner une histoire à la hauteur de l’affection que j’avais pour lui, mais je ne voulais pas forcer parce que j’avais peur que ça fasse froid.

Finalement, c’est arrivé plus vite que je ne le pensais parce que j’ai fait une grosse crise d’insomnie. Plusieurs nuits, plusieurs mois sans dormir, et c’est là que m’est venue l’idée de faire Minuit Passée.

Gaëlle Geniller (à gauche) durant l’interview. © Les Amis de la BD

Les AmBD : Et les sœurs, tu peux en parler un petit peu ?

Gaëlle Geniller : Alors les sœurs, les trois corneilles, à la base elles n’avaient pas du tout la signification qu’elles ont désormais. Elles sont arrivées bien plus tard, naturellement. C’est comme si Guerlain était un vieil ami, qu’on avait passé des années ensemble et puis qu’autour d’un café il me disait « en fait j’ai trois sœurs » et que tu l’acceptes.

Je me suis réveillé un matin en disant « ok il a trois sœurs ». Leurs noms sont inspirés directement du nom de mon frère et de ma sœur, à savoir Liliandre, Lilian, Sombline, Solène.Tobias c’est parce que j’aime beaucoup ce prénom masculin et du coup, j’ai voulu le féminiser.

© Gaëlle Geniller – Minuit passé – Delcourt

Les AmBD : Les prénoms sont tous un peu androgynes. Par exemple, Guerlain, ce n’est pas un prénom courant, est ce que c’est quelque chose que tu voulais spécifiquement ?

Gaëlle Geniller : Oui, j’aime bien parce que je trouve qu’il faut que le nom des personnages colle avec l’univers dans lequel ils évoluent, que ce soit crédible. Si dans un univers ultra onirique, très métaphorisé, les personnages s’appellent David où Quentin, ça me sort en tant que scénariste. J’avais envie que les prénoms soient aussi éthérés que l’univers dans lequel je les mettais.

© Gaëlle Geniller – Minuit passé – Delcourt

Les AmBD : C’est vrai que Guerlain est très à la mode.

Gaëlle Geniller : Guerlain, ça fait penser un peu à la parfumerie, à la mode et mon personnage c’est une fashionista, ma poupée Barbie. Clairement, mes personnages sont mes poupées Barbie, autant Guerlain que Rose dans Le Jardin, Paris, mon précédent album. De temps en temps je les habille en pirate, en vampire, en fait n’importe quoi.

© Gaëlle Geniller – Minuit passé – Delcourt

Les AmBD : On peut voir des illustrations exclusives sur ton Instagram ! Sinon, concernant le manoir, comment tu l’as imaginé ? A la fin de l’album il y a des plans, peux-tu nous en parler ?

Gaëlle Geniller : Pendant ces fameuses crises d’insomnies, au lieu de subir ces nuits, j’ai décidé d’en faire quelque chose. C’est horrible parce que pendant plusieurs semaines on est fatigué, on a envie de dormir mais on ne peut pas et ça peut rendre fou quelqu’un. Je me suis dit qu’avant de sombrer dans la folie, j’allais imaginer un endroit qui m’apaise, qui m’aide à me détendre.

Au début, j’ai imaginé le manoir. J’ai visualisé un manoir et la première nuit, je suis rentrée dans le hall et j’ai tout détaillé. Et plus il y avait de tableaux, plus ça me détendait parce que plus je prenais du temps à les détailler, à me demander qui ils étaient. C’est pour ça qu’il y a autant de tableaux dans Minuit Passé. La deuxième nuit, je suis allée dans le couloir, la troisième nuit, j’ai visité le premier étage.

Ça commençait à créer une construction comme ça et j’avais peur qu’elle m’échappe. C’est parfois compliqué de poser ses idées sur le papier, ça ne ressort pas comme on veut, mais là c’était très clair. Je ne suis pas du tout architecte, donc le manoir n’a aucun sens si vous regardez bien, mais ça m’a vraiment aidé. C’était aussi utile pour situer les personnages : où l’histoire commence-t-elle ? dans quelle salle sont-ils ? quel carrelage y-a-t-il dans quelle pièce ? Comme il y a des scènes qui reviennent, j’avais peur de faire des faux raccords. C’est vraiment quelque chose que j’ai pris de l’animation. Ça a été cathartique et ça m’a aidé pour la BD.

© Gaëlle Geniller – Minuit passé – Delcourt

Les AmBD : As-tu des projets pour la suite ?

Gaëlle Geniller : Oui, sûrement dans le même genre, mais je n’en suis pas sûre parce que j’en suis au storyboard. Je crois que c’est un parfait mélange entre Le Jardin et Minuit Passé. Je vais un peu explorer un monde qui me fascine, le monde de l’hôtellerie, celui des hôtels de luxe dans les années 50.

© Gaëlle Geniller – Minuit passé – Delcourt

Les AmBD : Un peu à la Wes Anderson ?

Gaëlle Geniller : C’est marrant parce que je n’ai vu aucun de ses films, sauf L’île aux chiens. Il faut absolument que je regarde Grand Budapest Hôtel, ça va beaucoup m’aider et m’inspirer. En tout cas ça va être un peu loufoque et rigolo. Loufoque, un peu barré, mais en même temps touchant.

© Gaëlle Geniller – Minuit passé – Delcourt

Les AmBD : Merci Gaëlle de nous avoir accordé un peu de ton temps.

Gaëlle Geniller : Merci à vous, je me suis beaucoup amusé avec cette interview !

L’interview avec Gaëlle Geniller est une des rencontres qui nous a le plus marqués en onze ans. C’est une autrice vraiment adorable, pour l’anecdote, c’est la première fois qu’un auteur/autrice nous propose à boire avant l’interview et se démène pour trouver de l’eau pour qu’on puisse se rafraîchir. Une artiste qui a les pieds sur Terre malgré son succès mérité avec Minuit passé !

Propos recueillis par : Mélanie PEILLET et Adrien LAURENT

Gaëlle Geniller dessinant après l’interview © Les Amis de la BD

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